mardi 6 mai 2014

Le 6 mai 2012, j’étais à la Bastille, depuis…

 
18h20 le 6 mai, dans le wagon du RER qui nous amène à Paris, je retrouve les camarades avec qui j’ai battu campagne depuis de longs mois. Nous sommes le soir du second tour des élections présidentielles et, enfin, la gauche a rendez-vous avec la place de la Bastille. 
20h, plongés dans la foule, rue de Solférino, impossible d’apercevoir l’écran géant et le visage qui s’y affiche, mais la clameur soudaine qui retentit nous l’annonce, François Hollande est élu président de la République, Sarkozy et sa dérive droitière sont battus. Embrassades, cris de joie. Enfin. Bercés depuis des années par les militants qui ont connu « mai 1981 », nous allons pouvoir vivre le nôtre.
 
Place de la Bastille, nous sommes des centaines de milliers, drapeaux, fumigènes, le fond de l’air est rouge. « La majorité politique des Français vient de s'identifier à sa majorité sociale ». Après 10 ans d’hégémonie d’une droite libérale, nous avons la certitude que des perspectives nouvelles s’offrent à nous. La gauche au pouvoir c’est l’ambition pour des millions de femmes et d’hommes de renouer avec le progrès social et le partage des richesses. 
 
Le 6 mai 2012, il y a deux ans, j’étais donc à la Bastille, depuis…
 
Depuis, François Hollande a ratifié le traité européen (TSCG) qui fait de l’équilibre des comptes publics un horizon indépassable. Alors j’ai manifesté aux côtés des syndicats pour que la promesse de réorientation de la construction européenne ne se fracasse pas contre les récifs d’une « règle d’or » qui constitutionnalise les politiques néo-libérales. 
 
Depuis, le gouvernement a ratifié l’Accord National Interprofessionnel (ANI), qui « flexibilise » l’organisation du travail et « simplifie » les procédures de licenciements. Alors j’ai manifesté aux côtés des salariés pour que l’engagement 35 de François Hollande ne reste pas lettre morte : « Nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ».
 
Depuis, le ministre de l’intérieur, s’est félicité d’avoir expulsé plus de sans-papiers que le gouvernement Sarkozy. Alors j’ai manifesté avec les associations et collectifs de défense des sans-papiers pour que la gauche au pouvoir agisse en faveur d’une politique migratoire alternative.
 
Depuis, le gouvernement a engagé le plus grand plan d’austérité de la Ve République pour financer le pacte de responsabilité et les 30 milliards d’exonérations sociales consenties aux entreprises, sans contreparties en termes d’emplois et de salaires. Alors j’ai manifesté pour dénoncer l’impasse économique de cette feuille de route austéritaire et les souffrances sociales qu’elle allait engendrer. 
 
Depuis le 6 mai 2012, ce gouvernement a déçu. Incontestablement, il s’est éloigné des aspirations de la majorité sociale qui l’a porté au pouvoir préférant copiner avec « le monde de la finance ». Il a gelé le changement en capitulant face aux injonctions des « forces de l’argent » et au chantage à l’emploi du patronat français. Il a semé la résignation à gauche à force de renoncements et de ralliements à une politique « de l’offre ».
Fin de l’histoire ?
 
Non, car depuis deux ans, nous avons alerté et nous sommes, aujourd’hui, de plus en plus nombreux à affirmer qu’il n’y a pas de fatalité à ce que la gauche au pouvoir renonce à transformer la société et à la faire avancer dans le sens du progrès et du partage des richesses. 
Militants politiques, syndicaux, associatifs, élus, parlementaires, économistes, nous sommes de plus en plus nombreux à dénoncer la feuille de route austéritaire du gouvernement de Manuel Valls. La fronde socialiste initiée par les 41 parlementaires qui ont refusé de voter le plan d’économie du gouvernement s’est prolongée, le lendemain, par la mobilisation partout en France des militants socialistes à l’occasion des défilés du 1er mai et de la journée internationale des travailleurs.
 
Loin des récitations orthodoxes des éditocrates accrédités, loin des recettes mortifères des agences de notation internationales ou des exigences libérales des technocrates européens, nous affirmons qu’une autre politique est possible pour faire réussir la gauche.
 
Alors que la richesse produite par les entreprises est captée par les actionnaires, au détriment de l’emploi et de l’investissement, alors que les dividendes ne cessent de gonfler, dopés par la multiplication des plans de licenciements, nous affirmons qu’une autre politique est nécessaire pour sortir de la crise et inverser durablement la courbe du chômage.
 
La gauche au pouvoir échouera si elle se cantonne à un rôle de « gestionnaire » docile à l’égard de ceux qui exigent toujours plus de rigueur budgétaire. Elle échouera si le seul choix qu’elle laisse à celles et ceux qui l’ont élue, c’est celui de choisir les « sacrifices » auxquels ils consentent. Ces renoncements éclabousseront toute la gauche, pire, ils pourraient même servir de terreau, fertile, à une extrême droite en embuscade.  
C’est donc à la construction d’une alternative résolument progressiste que nous devons désormais travailler dans le rassemblement de toutes les forces fidèles à la transformation sociale qui veulent mettre en minorité la voie austéritaire à gauche. 
Socialistes sincères, membres du Front de gauche, écologistes, syndicalistes, échangeons, dialoguons, dressons des convergences, elles existent : refus de l’austérité, augmentation du Smic, interdiction des licenciements boursiers, transition écologique, fiscalité redistributive. Construisons une dynamique incontournable à gauche pour créer les conditions du progrès social que nous refusons de voir confisqué. 
 
Enfin pour triompher des intérêts des possédants, soutenons la mobilisation des forces sociales sans laquelle l’ambition transformatrice s’essouffle et s’affaiblit. La gauche au pouvoir ne doit pas redouter le mouvement social, elle doit au contraire savoir l’utiliser comme un rapport de force et lui offrir des débouchés politiques.
 
Deux ans après le 6 mai, unité pour libérer la Bastille des griffes de ceux qui voudraient nous la confisquer.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire