dimanche 18 juin 2017

Face à l’absence d’alternative, l’abstention politique !


La séquence électorale que traverse actuellement notre pays se caractérise par une forte poussée de la défiance des citoyens à l'égard des institutions politiques. La marque la plus frappante de cette défiance est le sort réservé aux vieux appareils partisans de la Ve République lors du premier tour de l'élection présidentielle: Le Parti Socialiste et Les Républicains, qui se partageaient le pouvoir, par alternance, depuis 1958 subissent une déroute sans précédent. Ils sont balayés de notre histoire politique. Sans doute de manière définitive pour le PS.

 
            Face au délitement accéléré de ce vieux monde politique, la victoire d'Emmanuel Macron est une victoire politique en trompe l'oeil. Elle ne s'explique que parce que le candidat de l'extrême finance s'est trouvé, au second tour, opposé à Mme Le Pen. Face à laquelle, même une chaise remporterait l'élection. Le système l'a bien compris, il en a fait sa rente. Sous le label "front républicain", voilà qu'il a trouvé la combine pour faire réélire un candidat issu de son sérail politique et économique, et perpétuer sa domination.

            Si la machine a fonctionné, il n'empêche que cette fois ci, le président élu est un colosse au pied d'argile. Le taux d'abstention de 25.4% au second tour de l'élection présidentielle et les 4 millions de votes blancs et nuls (11.5% des inscrits) témoignent de la défiance inédite qui grandit dans le pays.

            La réalité est la suivante: la crise de régime se répand sous nos yeux de manière irrémédiable. Le premier tour des élections législatives n'en a été qu'une nouvelle secousse. Le temps d'un dimanche électoral, le vieux personnel politique des vingt dernières années a été balayé, sans ménagement. Dans le même temps, et pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, l'abstention dépassait les 50% au premier tour d'un scrutin législatif.

            D'aucuns se sont d'ores et déjà empressés de faire de cette abstention une défaillance citoyenne, parfois même une faute morale, dont le peuple serait l'unique coupable. Jamais ils ne s'interrogent sur ses causes profondes. Jamais ils n'envisagent que cette abstention puisse être une expression politique. Quand le sage désigne la lune, l'idiot regarde le doigt.

            La réalité est tout autre. La forte progression de l'abstention indique que la crise de régime entre dans sa phase terminale. Que le peuple ne souhaite plus être acteur d'un système économique et politique qui lui confisque les pouvoirs et les richesses.

            A défaut d'une réelle reconnaissance du vote blanc, permettant l'invalidation d'une élection si celui-ci se plaçait en tête du scrutin, l'abstention, et sa forte visibilité médiatique, s'affirme comme l'outil le plus efficace pour contester la légitimité d'un système politique que le peuple ne cautionne plus. C’est une insurrection civique froide qui a traversé notre pays.

            Dans notre circonscription, le second tour opposera une candidate En Marche face au candidat des Républicains. Les deux promettent de s'en prendre au code du travail. Ne gaspillons pas notre voix à les départager.

            Nous pensons qu'il est plus utile de faire de cette crise de régime une arme au service d'une profonde rupture politique. Plutôt que de dissiper nos voix dans un vote blanc que les institutions s'évertuent à rendre invisible, utilisons l'abstention pour affaiblir nos adversaires politiques, amplifier leur isolement et marquer notre profonde défiance vis à vis du projet néo-libéral dont ils sont les promoteurs.

            Ce choix n'est pas un choix naturel pour les militants politiques que nous sommes. Il ne va pas de soit alors qu'au coeur de notre engagement demeure le combat pour une plus grande implication des citoyens et des citoyennes dans le processus démocratique et républicain de notre pays. Mais c'est un choix qui correspond à la période que nous traversons.

            En l'absence de bulletins de vote alternatifs au second tour, il nous semble que qu'une forte poussée de l'abstention demeure, dans les conditions dans lesquelles nous agissons aujourd'hui, le marqueur le plus efficace d'une ferme opposition du peuple à se laisser enfermer dans un scénario politique qui ne lui convient pas.

            Dimanche nous n'irons donc pas voter. Nous nous saisirons de l’unique mode d’expression politique restant et comptabilisé : l’abstention. Il ne s'agira nullement d'une forme de désintérêt. Au contraire. Il s'agira de faire le choix, en toute conscience, d'amplifier la crise de régime qui s'opère sous nos yeux, d'affaiblir ceux qui, drapés dans les habits du renouvellement, s'apprêtent à aggraver, par leurs choix politique, la crise sociale, écologique et démocratique à laquelle nous sommes confrontés.

 Mathurin Levis, Randy Némoz.