lundi 26 mai 2014

Ne laissons pas passer la main tendue!


Les résultats des élections européennes s’apparentent à un coup de tonnerre à gauche. Le Parti Socialiste atteint son plus bas niveau historique, (13,9%) le score d’Europe-Ecologie les Verts est divisé par deux par rapport au dernier scrutin européen (8,9%) et si le Front de Gauche se maintien, c’est à un niveau bien en deçà de ses objectifs (6,3%).
La lame de fond emporte tout le monde, aucune force de gauche n’est épargnée. Le total des voix dépasse péniblement la barre des 30%. L’extrême droite est en train de réussir une OPA constituant à faire des immigrés les responsables de la crise plutôt que les financiers.
Alors plus rien ne peut continuer comme avant. Plus rien.
Nous ne pouvons accepter plus longtemps le chemin que nous proposent de suivre François Hollande et Manuel Valls s’articulant entre la réduction des dépenses publiques et la baisse du coût du travail. Cette feuille de route austéritaire qu’ils ont co-écrite, les souffrances sociales qu’elle engendre, l’impasse démocratique et l’échec économique qu’elle constitue précipite la gauche dans l’abîme. Si nous laissons faire, nous ne nous relèveront pas. Le sursaut doit s’imposer.
Dans la tempête hier, de nombreux responsables socialistes ont appelé à construire ce nouveau chemin considérant la débâcle comme un ultime avertissement avant que la rupture entre la majorité sociale de ce pays et la gauche politique ne soit définitivement consommée.
Dans la tempête hier, les principaux animateurs du Front de Gauche ont également adressées des signaux que nous devons interpréter.
Jean-Luc Mélenchon, co-président du PG, par exemple, a affirmé, au cours de sa conférence de presse : « Il faut absolument que nous réussissions le rassemblement de ceux qui veulent rompre avec cette politique d’austérité à gauche. Le Front de Gauche ne réclame rien […] sinon cette union dans la clarté qui permette à notre pays d’avoir une alternative ».
A travers un communiqué, Pierre Laurent, secrétaire général du PCF est également revenu sur la nécessité du rassemblement : « De cette crise politique doit émerger une perspective réelle et crédible à gauche sur fond de rupture avec ce système rompu aux thèses libérales. La gauche s’est trop éloignée de ses valeurs. Elle ne pourra retrouver le peuple que dans un mouvement social et politique de l’ampleur d’un Front populaire du XXIème siècle. Nous appelons tous ceux qui, ce soir, se sentent malheureux à gauche, toutes les forces vives du pays, la jeunesse et les salariés à s’unir sans attendre. »
Cette main tendue, nous ne pouvons la laisser passer. Parce que sommes convaincu que c’est dans le rassemblement de toutes les forces de progrès, fidèles à la transformation sociale, que nous puiserons la dynamique nécessaire pour mettre en minorité les tenants de l’austérité au sein de la gauche et ouvrir une voie résolument anti-libérale.  
Rencontrons nous, débattons, dressons des convergences, elles existent. La progression du FN n’est pas une fatalité si nous savons nous doter des bons outils pour la combattre !
Unité.

 

 

 

dimanche 25 mai 2014

Encore combien de 21 avril ?



Combien faudra-t-il de 21 avril pour que la gauche sursaute et se donne enfin les moyens de sortir du marasme dans lequel elle se trouve plongée depuis des décennies ?

Il y a eu le 21 avril 2002, lorsque Lionel Jospin, éliminé du second tour des élections présidentielles au profit du front national, déclarait tirer « toutes les conclusions » de la défaite et annonçait son retrait « de la vie politique ».
Il y a eu le 21 avril de Brignoles, lorsqu’un candidat FN s’est hissé en tête lors du second tour des élections cantonales partielles dans un ancien bastion ouvrier.
Puis il y a eu le 21 avril municipal, lorsque la formation d’extrême droite s’est emparée de 12 municipalités, dont plusieurs au détriment de la gauche.

Mais cela n’a pas suffit, et ce soir, douze ans après le 21 avril 2002, les socialistes sont à nouveau relégués au troisième rang du paysage politique français. Mais cette fois, chose aggravante, c’est le front national qui occupe la première place avec 25% des voix, soit dix de plus que le PS. Près d'un tiers des députés européens français seront donc du FN. Le coup est rude.

Cette fois, nous n’avons plus le droit de tergiverser, nous n’avons plus le droit de minorer ce nouvel échec ou de désigner nos partenaires de gauche comme responsables. Il faut regarder les choses en face. Si nous ne voulons pas que le prochain 21 avril ai lieu un soir de mai 2017, nous avons une responsabilité : tirer toutes les conclusions de cette nouvelle défaite, à défaut de quoi nous serons, à l’avenir, durablement « retiré de la vie politique ». Réagir ou mourir, sursauter ou trépasser, cette fois, la gauche est à la croisée des chemins. 

Si la droite et l’extrême caracolent en tête ce soir, ce n’est pas parce que les français plébiscitent l’orientation libérale de la construction européenne ou adhèrent à la sortie de l’Union. Ce qui fait la force du camp réactionnaire, comme lors du scrutin municipal, c’est l’abstention massive de l’électorat de gauche.  

Cette abstention, n’est pas de la responsabilité des candidats socialistes investis. Qu’ils soient jeunes ou vieux, issus de la société civile ou eurodéputés sortants, tous ont subi la même défiance dans les urnes. La même défiance, pour la même raison : un fossé grandissant qui se creuse entre les aspirations populaires de ceux qui nous ont porté au pouvoir et l’orientation politique et budgétaire actuel de notre gouvernement. Pourquoi nos électeurs se tourneraient-ils vers nous le temps d’un dimanche électoral, alors que nous tournons le dos à leurs aspirations le reste de l’année ?

Force est de constater que la nomination de Manuel Valls n’a pas suffit à combler ce fossé, pire ce nouvel échec électoral nous laisse à penser que la feuille de route austéritaire du nouveau gouvernement a nourri, encore un peu plus, la résignation dans notre propre camp. L’annonce d’un plan d’économie de 50 milliards d’euro au lendemain des élections municipales rend caduc toute ambition de renouer avec le partage des richesses et le progrès social. Ces nouveaux renoncements ont sans doute pesés sur le comportement des électeurs qui nous sont habituellement fidèles. Comme eux, nous savons que ce n’est pas le mandat qui nous a été confié en mai 2012. Comme eux, nous avons la certitude que la gauche ne peut pas réussir dans le cadre de l’orthodoxie budgétaire.

Tirer les leçons de cette déroute électorale, c’est rompre avec la logique austéritaire du gouvernement et renouer avec la promesse d’égalité et de justice pour combler le fossé qui se creuse avec le pays. La montée du FN comme la défaite de la gauche ne sont pas des fatalités à condition que celle-ci n’oublie pas par qui elle a été élue et ne se dérobe pas à ce qui fait sa raison d’être : transformer la société.  
Alors, prenons la prochaine à gauche, il est encore temps, créons, dans l’unité, les conditions du progrès et de la justice sociale, mettons en minorité les tenants d’une « austérité de gauche » qui n’a de gauche que l’étiquette, sinon, il y aura d’autres 21 avril. Irrémédiables ceux-là. 

lundi 12 mai 2014

#BringBackOurLeft


           
Dimanche soir, Manuel Valls était l’invité de Claire Chazal sur le plateau de TF1, en empruntant à plusieurs reprises une rhétorique de droite : « Europe passoire », « trop d’impôt, tue l’impôt », le premier ministre a, une nouvelle fois, fait reculer la gauche dans les têtes.

20h13 : interrogé sur les élections européennes à venir, le premier ministre a répondu en invoquant « l’Europe passoire » qui nourrirait selon lui le scepticisme européen de nos compatriotes. Les mots ont un sens, et un contenu politique. Précisément, ces mots qu’a repris le premier ministre ont longtemps été ceux des populistes et de l’extrême droite pour dénoncer une Europe qui serait incapable de se protéger face au péril « civilisationnel » qui nous guetterait : celui de l’immigration. C’est cette « Europe passoire » que dénonçait également Nicolas Sarkozy, quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle, dans une dérive droitière contre l’espace Schengen.
Alors que nous ne parvenons pas à oublier les images des plages italiennes de Lampedusa, entendre notre premier ministre « socialiste » parler d' « Europe passoire » est une nouvelle blessure qui nous est infligée.
Utiliser les mots de l’ennemi, c’est au mieux battre en retraite, sinon le renforcer. Plutôt que de reprendre la rhétorique du Front National, la gauche au pouvoir doit renouer avec un discours positif à l’égard de l’immigration pour reconquérir les têtes. Nous aurions aimé entendre Manuel Valls affirmer que l’immigration constitue une chance économique et un apport culturel dont l’Europe aurait tort de se priver. Nous aurions aimé que Manuel Valls rappel que dans notre pays, l’immigration n’es pas un « coût » (autre rhétorique de l’extrême droite), mais constitue une source de revenu puisqu’elle représente, chaque année, un gain de plus de 12,5 milliards pour l’économie de notre pays. Nous aurions aimé que Manuel Valls évoque la conclusion du très officiel Comité d’orientation des retraites selon lequel : « L’entrée de 50 000 nouveaux immigrés par an permettrait de réduire de 0,5 point de PIB le déficit des retraites ». Enfin, nous aurions aimé entendre Manuel Valls affirmer que l'Europe avait la responsabilité de soutenir des projets de développements viables, générateurs d'emplois et de croissance dans les pays où la pauvreté et la misère pousse à l'émigration. Il faut aller vers plus de coopération entre les peuples plutôt que de les opposer ou les mettre en concurrence.
Mais tout cela, il ne l’a pas dit, et la gauche a reculé dans les têtes. L’extrême droite se frotte les mains
20h19 : Le premier ministre est alors interrogé sur le niveau des impôts dans notre pays.  « Trop d’impôt, tue l’impôt », reprend-il du tac au tac, faisant siens les propos, contestables et contestés, de l’économiste Arthur Laffer, conseiller de… Ronald Reagan. Promoteur acharné du moins disant fiscal, ce dernier affirme qu’une trop forte imposition des revenus les plus élevés constitue une « pression fiscale » qui découragerait le travail, et l’activité, et donc verrait les recettes fiscales diminuer : Trop d’impôt, tue l’impôt. Fin de l’histoire.
Mais, au-delà de son inspiration très libérale, la courbe de Laffer ne résiste pas à l’épreuve des faits. Les nombreuses expériences de baisses d'impôts consenties aux Etats-Unis ou en Europe, ne se sont jamais traduites par une augmentation des recettes fiscales. Bien au contraire, elles ont davantage contribué à dégrader les comptes publics et au recul de la puissance étatique.
Nous ne reprochons pas à Manuel Valls, de faire un geste fiscal pour les foyers les plus modestes, mais bien de relayer le refrain qu’entonnait déjà Thatcher et Reagan il y a 30 qui fait de l’impôt un prélèvement confiscatoire qui pèse, à l’instar des cotisations sociales, sur notre économie. Nous aurions aimé que Manuel Valls défende l’impôt comme un attribut essentiel de la citoyenneté et du financement des politiques publiques, issues du suffrage universel. L’impôt progressif auquel la gauche est attachée, c’est la main visible du citoyen et de ses représentants pour corriger les inégalités et s’attaquer à l’accaparement des richesses par une petite minorité. Nous aurions aimé que Manuel Valls défende un impôt progressif qui mette réellement à contribution nos concitoyens selon leurs moyens, condition de la réalisation d’une République sociale et solidaire. Nous aurions aimé que Manuel Valls défende, comme François Hollande s’y était engagé lors de la campagne présidentielle, une révolution fiscale qui rendrait la contribution de chacun plus juste par la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu et qui imposerait les revenus du capital, à hauteur de ceux du travail. Enfin, nous aurions aimé que Manuel Valls annonce un réel plan de lutte contre la fraude fiscale qui représente, chaque année, un manque à gagner de plus de 60 milliards d’euros. Voilà ce qui tue l’impôt.
Mais tout cela, il ne l’a pas dit, et la gauche a reculé dans les têtes. Les libéraux se frottent les mains.
En reprenant la rhétorique de nos adversaires, tel que « Europe passoire » ou « Trop d’impôt, tue l’impôt », Manuel Valls substitue au vocabulaire de l’émancipation et du progrès celui de la régression et du conservatisme.

 

mardi 6 mai 2014

Le 6 mai 2012, j’étais à la Bastille, depuis…

 
18h20 le 6 mai, dans le wagon du RER qui nous amène à Paris, je retrouve les camarades avec qui j’ai battu campagne depuis de longs mois. Nous sommes le soir du second tour des élections présidentielles et, enfin, la gauche a rendez-vous avec la place de la Bastille. 
20h, plongés dans la foule, rue de Solférino, impossible d’apercevoir l’écran géant et le visage qui s’y affiche, mais la clameur soudaine qui retentit nous l’annonce, François Hollande est élu président de la République, Sarkozy et sa dérive droitière sont battus. Embrassades, cris de joie. Enfin. Bercés depuis des années par les militants qui ont connu « mai 1981 », nous allons pouvoir vivre le nôtre.
 
Place de la Bastille, nous sommes des centaines de milliers, drapeaux, fumigènes, le fond de l’air est rouge. « La majorité politique des Français vient de s'identifier à sa majorité sociale ». Après 10 ans d’hégémonie d’une droite libérale, nous avons la certitude que des perspectives nouvelles s’offrent à nous. La gauche au pouvoir c’est l’ambition pour des millions de femmes et d’hommes de renouer avec le progrès social et le partage des richesses. 
 
Le 6 mai 2012, il y a deux ans, j’étais donc à la Bastille, depuis…
 
Depuis, François Hollande a ratifié le traité européen (TSCG) qui fait de l’équilibre des comptes publics un horizon indépassable. Alors j’ai manifesté aux côtés des syndicats pour que la promesse de réorientation de la construction européenne ne se fracasse pas contre les récifs d’une « règle d’or » qui constitutionnalise les politiques néo-libérales. 
 
Depuis, le gouvernement a ratifié l’Accord National Interprofessionnel (ANI), qui « flexibilise » l’organisation du travail et « simplifie » les procédures de licenciements. Alors j’ai manifesté aux côtés des salariés pour que l’engagement 35 de François Hollande ne reste pas lettre morte : « Nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ».
 
Depuis, le ministre de l’intérieur, s’est félicité d’avoir expulsé plus de sans-papiers que le gouvernement Sarkozy. Alors j’ai manifesté avec les associations et collectifs de défense des sans-papiers pour que la gauche au pouvoir agisse en faveur d’une politique migratoire alternative.
 
Depuis, le gouvernement a engagé le plus grand plan d’austérité de la Ve République pour financer le pacte de responsabilité et les 30 milliards d’exonérations sociales consenties aux entreprises, sans contreparties en termes d’emplois et de salaires. Alors j’ai manifesté pour dénoncer l’impasse économique de cette feuille de route austéritaire et les souffrances sociales qu’elle allait engendrer. 
 
Depuis le 6 mai 2012, ce gouvernement a déçu. Incontestablement, il s’est éloigné des aspirations de la majorité sociale qui l’a porté au pouvoir préférant copiner avec « le monde de la finance ». Il a gelé le changement en capitulant face aux injonctions des « forces de l’argent » et au chantage à l’emploi du patronat français. Il a semé la résignation à gauche à force de renoncements et de ralliements à une politique « de l’offre ».
Fin de l’histoire ?
 
Non, car depuis deux ans, nous avons alerté et nous sommes, aujourd’hui, de plus en plus nombreux à affirmer qu’il n’y a pas de fatalité à ce que la gauche au pouvoir renonce à transformer la société et à la faire avancer dans le sens du progrès et du partage des richesses. 
Militants politiques, syndicaux, associatifs, élus, parlementaires, économistes, nous sommes de plus en plus nombreux à dénoncer la feuille de route austéritaire du gouvernement de Manuel Valls. La fronde socialiste initiée par les 41 parlementaires qui ont refusé de voter le plan d’économie du gouvernement s’est prolongée, le lendemain, par la mobilisation partout en France des militants socialistes à l’occasion des défilés du 1er mai et de la journée internationale des travailleurs.
 
Loin des récitations orthodoxes des éditocrates accrédités, loin des recettes mortifères des agences de notation internationales ou des exigences libérales des technocrates européens, nous affirmons qu’une autre politique est possible pour faire réussir la gauche.
 
Alors que la richesse produite par les entreprises est captée par les actionnaires, au détriment de l’emploi et de l’investissement, alors que les dividendes ne cessent de gonfler, dopés par la multiplication des plans de licenciements, nous affirmons qu’une autre politique est nécessaire pour sortir de la crise et inverser durablement la courbe du chômage.
 
La gauche au pouvoir échouera si elle se cantonne à un rôle de « gestionnaire » docile à l’égard de ceux qui exigent toujours plus de rigueur budgétaire. Elle échouera si le seul choix qu’elle laisse à celles et ceux qui l’ont élue, c’est celui de choisir les « sacrifices » auxquels ils consentent. Ces renoncements éclabousseront toute la gauche, pire, ils pourraient même servir de terreau, fertile, à une extrême droite en embuscade.  
C’est donc à la construction d’une alternative résolument progressiste que nous devons désormais travailler dans le rassemblement de toutes les forces fidèles à la transformation sociale qui veulent mettre en minorité la voie austéritaire à gauche. 
Socialistes sincères, membres du Front de gauche, écologistes, syndicalistes, échangeons, dialoguons, dressons des convergences, elles existent : refus de l’austérité, augmentation du Smic, interdiction des licenciements boursiers, transition écologique, fiscalité redistributive. Construisons une dynamique incontournable à gauche pour créer les conditions du progrès social que nous refusons de voir confisqué. 
 
Enfin pour triompher des intérêts des possédants, soutenons la mobilisation des forces sociales sans laquelle l’ambition transformatrice s’essouffle et s’affaiblit. La gauche au pouvoir ne doit pas redouter le mouvement social, elle doit au contraire savoir l’utiliser comme un rapport de force et lui offrir des débouchés politiques.
 
Deux ans après le 6 mai, unité pour libérer la Bastille des griffes de ceux qui voudraient nous la confisquer.