Combien faudra-t-il de 21 avril pour que la gauche sursaute et se donne
enfin les moyens de sortir du marasme dans lequel elle se trouve plongée depuis
des décennies ?
Il y a eu le 21 avril 2002, lorsque Lionel Jospin, éliminé du second tour
des élections présidentielles au profit du front national, déclarait tirer «
toutes les conclusions » de la défaite et annonçait son retrait « de la vie
politique ».
Il y a eu le 21 avril de Brignoles, lorsqu’un candidat FN s’est hissé en tête
lors du second tour des élections cantonales partielles dans un ancien bastion
ouvrier.
Puis il y a eu le 21 avril municipal, lorsque la formation d’extrême droite
s’est emparée de 12 municipalités, dont plusieurs au détriment de la gauche.
Mais cela n’a pas suffit, et ce soir, douze ans après le 21 avril 2002, les
socialistes sont à nouveau relégués au troisième rang du paysage politique français.
Mais cette fois, chose aggravante, c’est le front national qui occupe la première
place avec 25% des voix, soit dix de plus que le PS. Près d'un tiers des députés européens français seront donc du FN. Le coup est rude.
Cette fois, nous n’avons plus le droit de tergiverser, nous n’avons plus le
droit de minorer ce nouvel échec ou de désigner nos partenaires de gauche comme
responsables. Il faut regarder les choses en face. Si nous ne voulons pas que
le prochain 21 avril ai lieu un soir de mai 2017, nous avons une responsabilité
: tirer toutes les conclusions de cette nouvelle défaite, à défaut de quoi nous
serons, à l’avenir, durablement « retiré de la vie politique ». Réagir ou
mourir, sursauter ou trépasser, cette fois, la gauche est à la croisée des
chemins.
Si la droite et l’extrême caracolent en tête ce soir, ce n’est pas
parce que les français plébiscitent l’orientation libérale de la construction
européenne ou adhèrent à la sortie de l’Union. Ce qui fait la force du camp réactionnaire,
comme lors du scrutin municipal, c’est l’abstention massive de l’électorat de
gauche.
Cette abstention, n’est pas de la responsabilité des candidats socialistes
investis. Qu’ils soient jeunes ou vieux, issus de la société civile ou eurodéputés
sortants, tous ont subi la même défiance dans les urnes. La même défiance, pour
la même raison : un fossé grandissant qui se creuse entre les aspirations
populaires de ceux qui nous ont porté au pouvoir et l’orientation politique et
budgétaire actuel de notre gouvernement. Pourquoi nos électeurs se
tourneraient-ils vers nous le temps d’un dimanche électoral, alors que nous
tournons le dos à leurs aspirations le reste de l’année ?
Force est de constater que la nomination de Manuel Valls n’a pas suffit à
combler ce fossé, pire ce nouvel échec électoral nous laisse à penser que la
feuille de route austéritaire du nouveau gouvernement a nourri, encore un peu
plus, la résignation dans notre propre camp. L’annonce d’un plan d’économie de
50 milliards d’euro au lendemain des élections municipales rend caduc toute
ambition de renouer avec le partage des richesses et le progrès social. Ces
nouveaux renoncements ont sans doute pesés sur le comportement des électeurs
qui nous sont habituellement fidèles. Comme eux, nous savons que ce n’est pas
le mandat qui nous a été confié en mai 2012. Comme eux, nous avons la certitude
que la gauche ne peut pas réussir dans le cadre de l’orthodoxie budgétaire.
Tirer les leçons de cette déroute électorale, c’est rompre avec la logique
austéritaire du gouvernement et renouer avec la promesse d’égalité et de
justice pour combler le fossé qui se creuse avec le pays. La montée du FN comme
la défaite de la gauche ne sont pas des fatalités à condition que celle-ci
n’oublie pas par qui elle a été élue et ne se dérobe pas à ce qui fait sa
raison d’être : transformer la société.
Alors, prenons la prochaine à gauche, il est encore
temps, créons, dans l’unité, les conditions du progrès et de la justice
sociale, mettons en minorité les tenants d’une « austérité de gauche »
qui n’a de gauche que l’étiquette, sinon, il y aura d’autres 21 avril. Irrémédiables
ceux-là.
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