La séquence électorale que
traverse actuellement notre pays se caractérise par une forte poussée de la
défiance des citoyens à l'égard des institutions politiques. La marque la plus
frappante de cette défiance est le sort réservé aux vieux appareils partisans
de la Ve République
lors du premier tour de l'élection présidentielle: Le Parti Socialiste et Les
Républicains, qui se partageaient le pouvoir, par alternance, depuis 1958
subissent une déroute sans précédent. Ils sont balayés de notre histoire
politique. Sans doute de manière définitive pour le PS.
Face
au délitement accéléré de ce vieux monde politique, la victoire d'Emmanuel
Macron est une victoire politique en trompe l'oeil. Elle ne s'explique que
parce que le candidat de l'extrême finance s'est trouvé, au second tour, opposé
à Mme Le Pen. Face à laquelle, même une chaise remporterait l'élection. Le
système l'a bien compris, il en a fait sa rente. Sous le label "front
républicain", voilà qu'il a trouvé la combine pour faire réélire un
candidat issu de son sérail politique et économique, et perpétuer sa
domination.
Si
la machine a fonctionné, il n'empêche que cette fois ci, le président élu est
un colosse au pied d'argile. Le taux d'abstention de 25.4% au second tour de
l'élection présidentielle et les 4 millions de votes blancs et nuls (11.5% des
inscrits) témoignent de la défiance inédite qui grandit dans le pays.
La
réalité est la suivante: la crise de régime se répand sous nos yeux de manière
irrémédiable. Le premier tour des élections législatives n'en a été qu'une
nouvelle secousse. Le temps d'un dimanche électoral, le vieux personnel
politique des vingt dernières années a été balayé, sans ménagement. Dans le
même temps, et pour la première fois dans l'histoire de la
Ve République , l'abstention dépassait les
50% au premier tour d'un scrutin législatif.
D'aucuns
se sont d'ores et déjà empressés de faire de cette abstention une défaillance
citoyenne, parfois même une faute morale, dont le peuple serait l'unique
coupable. Jamais ils ne s'interrogent sur ses causes profondes. Jamais ils
n'envisagent que cette abstention puisse être une expression politique. Quand
le sage désigne la lune, l'idiot regarde le doigt.
La
réalité est tout autre. La forte progression de l'abstention indique que la
crise de régime entre dans sa phase terminale. Que le peuple ne souhaite plus
être acteur d'un système économique et politique qui lui confisque les pouvoirs
et les richesses.
A
défaut d'une réelle reconnaissance du vote blanc, permettant l'invalidation
d'une élection si celui-ci se plaçait en tête du scrutin, l'abstention, et sa
forte visibilité médiatique, s'affirme comme l'outil le plus efficace pour
contester la légitimité d'un système politique que le peuple ne cautionne plus.
C’est une insurrection civique froide qui a traversé notre pays.
Dans
notre circonscription, le second tour opposera une candidate En Marche face au
candidat des Républicains. Les deux promettent de s'en prendre au code du
travail. Ne gaspillons pas notre voix à les départager.
Nous
pensons qu'il est plus utile de faire de cette crise de régime une arme au
service d'une profonde rupture politique. Plutôt que de dissiper nos voix dans
un vote blanc que les institutions s'évertuent à rendre invisible, utilisons
l'abstention pour affaiblir nos adversaires politiques, amplifier leur
isolement et marquer notre profonde défiance vis à vis du projet néo-libéral
dont ils sont les promoteurs.
Ce
choix n'est pas un choix naturel pour les militants politiques que nous sommes.
Il ne va pas de soit alors qu'au coeur de notre engagement demeure le combat
pour une plus grande implication des citoyens et des citoyennes dans le
processus démocratique et républicain de notre pays. Mais c'est un choix qui
correspond à la période que nous traversons.
En
l'absence de bulletins de vote alternatifs au second tour, il nous semble que
qu'une forte poussée de l'abstention demeure, dans les conditions dans
lesquelles nous agissons aujourd'hui, le marqueur le plus efficace d'une ferme
opposition du peuple à se laisser enfermer dans un scénario politique qui ne
lui convient pas.
Dimanche
nous n'irons donc pas voter. Nous nous saisirons de l’unique mode
d’expression politique restant et comptabilisé : l’abstention. Il ne
s'agira nullement d'une forme de désintérêt. Au contraire. Il s'agira de faire
le choix, en toute conscience, d'amplifier la crise de régime qui s'opère sous
nos yeux, d'affaiblir ceux qui, drapés dans les habits du renouvellement,
s'apprêtent à aggraver, par leurs choix politique, la crise sociale, écologique
et démocratique à laquelle nous sommes confrontés.
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