Sous un soleil inattendu en ce début novembre, et sous le toit en tôle de
la « Parole Errante», institution culturelle et militante de l’Est
parisien, plus de 700 militants, acteurs associatifs, syndicaux ou citoyen-ne-s
se sont réunis pour penser, pour dialoguer, pour échanger, pour construire « la
France d’après ». Incontestablement, ce fût une réussite.
L’événement était préparé depuis de longues semaines, animé par une
ambition : celle de faire de la politique vraiment autrement avec tou-te-s
celles et ceux qui veulent un autre chemin à gauche. Et il y avait du monde.
Tout commence par la reconquête
démocratique.
Ce rassemblement se voulait une réponse directe à la crise de notre modèle
démocratique représentatif qui, à bout de souffle, se mue lentement en un
modèle confiscatoire des pouvoirs et des richesses. Il s’agissait de donner la
parole à ceux qui ont depuis trop longtemps l’impression que plus personne ne
les écoute. Parce que lentement, le camp de ceux qui ont toujours été hostiles
à ce que le peuple soit aux affaires est en train de prendre sa revanche sur
l’immense héritage démocratique des Lumières et de la Révolution française.
Aujourd’hui, trop souvent ceux qui parlent et ceux qui décident sont ceux
qui possèdent. Et ceux qui possèdent sont ceux qui décident et ceux qui
parlent. Ils se connaissent, s’organisent et souvent se protègent entre eux.
L’alternance politique de 2012 n’a hélas pas permis d’engager une rupture avec
ce processus oligarchique. Plutôt que de regarder s’éloigner dans le rétroviseur notre capacité à définir souverainement notre propre avenir, nous devons porter une nouvelle contagion démocratique. Pour bâtir un avenir commun, nous devons construire un mouvement commun.
Il ne s’agit pas d’importer le modèle grec ou espagnol de Syriza ou
de Podemos, mais de s’inspirer de leur combat pour le prolonger chez
nous. Nous ne nous résignons pas à ce que les solutions xénophobes de haine et
de repli sur soi progressent dans notre pays alors qu’une issue de solidarité
et de progrès fleurie chez nos voisins. L’énergie sociale de notre pays, sa
profonde aspiration démocratique, l’étendue de sa recherche scientifique, sa
devise de fraternité doivent nous permettre de formuler un nouveau projet
politique commun et émancipateur. Dire cela, c’est refuser de rester un
spectateur isolé face au grand risque démocratique qui s’avance. Nous voulons
agir en commun pour proposer tout autre chose.
Faire autrement pour faire autre
chose.
« Autre chose », c’est ce que nous avons fait ce dimanche en
réunissant autour d’une même ambition des militants politiques issus de toutes
les composantes de la gauche traditionnelle et la formidable énergie citoyenne
issue de ceux qui font vivre l’alternative au quotidien dans notre pays. Ce
mouvement est commun à tous ceux qui souhaitent faire vivre un « Nous »
d’espoir et de progrès. D’où qu’ils viennent et quel qu’est été leur parcours
personnel. La seule adhésion à laquelle nous nous référons n’est pas celle d’un
parti, mais celle de vouloir emprunter ensemble un nouveau chemin.
« Autre chose », c’est ce que nous avons entendu. Ce dimanche
après-midi, la « Parole Errante » aura fermé ses portes aux leçons de
catéchisme libéral et aux grandes tirades qui nous répètent « qu’il n’y a
pas d’alternatives ». En donnant la parole à Abdelhafed Errouihi, délégué
CGT d’Air France ou à Nicolas Prevost, président de la SCOP de la papeterie de
Docelles, c’est la voix de ceux qui défendent l’emploi et l’humain face à la
violence des stratégies financières qui s’est exprimé. Et qui a été longuement
ovationnée. En donnant le micro à Jean-Paul
Sauzede, administrateur d’Habicoop, coopérative d’habitants, c’est la voix de
ceux qui luttent contre la spéculation immobilière que nous avons entendu.
« Autre chose », c’est ce que les responsables politiques ont
fait ce dimanche. Présents nombreux, ils n’étaient pas à la tribune. Ils ont
contribués, comme chacun et chacune d’entre nous à l’émergence de ce mouvement
commun. Ainsi a-t-on pu apercevoir Danielle Simonnet se fondre à la table d’un
des ateliers collaboratif, Pierre Laurent ou Cécile Duflot s’asseoir dans les
travées de la plénière, loin des premiers rangs qui leurs sont d’habitude
réservés, ou encore Guillaume Ballas s’échiner au rangement des chaises une
fois l’évènement terminé.
Pour toutes ces raisons, cet événement aura été un succès et aura
contribuer à dessiner un nouvel horizon.
Pour un mouvement commun qui
s’inscrit dans le combat électoral.
Ce travail, il va falloir le continuer ardemment. « Autre chose », c’est ce qu’il
faut construire désormais. Il faut faire « contre-culture » pour
remettre au goût du jour les idées de solidarité, de renouveau démocratique et
d’impératif écologique. Il s’agit d’engager une longue opération de reconquête
idéologique, sans enjamber les échéances électorales qui
s’avancent.
Car on ne peut pas faire état du dessaisissement démocratique qui frappe
les citoyens et se résoudre à ce que les choix électoraux futurs ne se résument
à devoir départager une droite qui s’extrêmise et une gauche qui l’est de moins
en moins. Le dessaisissement démocratique c’est aussi accepter que la
compétition électorale soit réservée à une poignée d’acteurs qui ont tous
appartenus aux « gouvernants incapables de résoudre les questions du XXIe
siècle ». 2017 ne doit pas être la grande revanche, des acteurs politiques
et des idées, qui ont échouées dans notre pays ces vingt dernières années. Ce
n’est pas cela un choix démocratique.
Cet « Autre chose commun » auquel nous aspirons, nous devons
le faire vivre partout, et aussi dans la compétition électorale. Je le crois.
La vie politique française et sa structuration idéologique sont largement
adossées à l’élection présidentielle. On peut le regretter, mais c’est ainsi.
La bataille culturelle que nous voulons réengager se mène toute l’année, partout.
Elle vit et grandit chaque jour par la pratique de solutions alternatives
concrètes qui, jointes, constituent cet autre chemin que nous voulons
emprunter. Mais ne négligeons pas le porte-voix que représente l’élection
présidentielle pour promouvoir et faire gagner cet autre modèle économique,
démocratique et écologique.
Pouria a hélas raison lorsqu’il résume le paysage politique de 2017, pour
le moment, à « des candidats soutenus par des appareils fatigués et
souvent fatigants, qui proposent aux électeurs une série de mesures élaborées
par quelques experts ». Le tableau est bien sombre, il correspond à une
réalité palpable, mais je refuse de croire qu’il est immuable.
L’énergie et la détermination qui se sont dégagées de la journée de
dimanche sont la démonstration que nous sommes des milliers de militants et
citoyens disponibles pour écrire une autre histoire. Nous sommes des milliers à
refuser que les sectarismes, les vieux réflexes partisans et les bisbilles
d’appareils l’emportent sur la fervente volonté de créer un Mouvement commun
qui puisse porter la belle colère de toutes celles et de tous ceux qui
résistent à gauche.
Ces sentiments sont partagés bien au-delà de nos rangs. Dimanche, dans les
rangées de la « Parole Errante » on pouvait croiser de nombreux
militants communistes, écologistes, issus du parti de gauche ou d’ensemble.
Leur présence atteste que tous connaissent l’impératif de parvenir à rassembler
nos forces pour faire naître une nouvelle dynamique populaire. Tous savent
aussi que cette dynamique politique devra être débordée par une insurrection
collective et citoyenne la plus large possible pour partir à la reconquête des
cœurs et des esprits.
Si nous disons tous cela, c’est que nous parlons la même langue :
celle de ceux qui veulent partager les richesses et les pouvoirs. Cette voix,
nous devons la porter ensemble. Notre capacité à la rendre audible et
attractive dépendra de notre réussite à construire un grand mouvement populaire
autour d’une candidature unique de la gauche alternative en 2017. N’y renonçons
pas.
Prenons nos responsabilités. Pour faire mouvement commun, appelons, partout où nous le pouvons, à la
constitution d’Assemblées Citoyennes rassemblant les militants politiques d’où
qu’ils viennent, les syndicalistes, les acteurs associatifs ou les citoyens
pleins d’espoir. Ces Assemblées souveraines devront respecter la règle d’une
personne = une voix. Déployons nos forces et notre savoir-faire pour que dans
les mois qui viennent, chacune de ces assemblées, partout sur le territoire
organise des cahiers de doléances du XXIe siècle en se tournant vers la
société. Recensons et inspirons nous des « bonnes nouvelles » qui
marchent dans nos régions. Collectons les idées nouvelles en donnant la parole
à ceux qui ne l’on plus depuis trop longtemps. Faisons mouvement, et faisons-le
en commun, à tel point qu’aucune décision personnelle, qu’aucun acte isolé, ne
puisse venir ébranler l’édifice que nous allons bâtir ensemble. L’aspiration au
rassemblement de toutes les forces de gauche porteuses de solutions nouvelles
est immense, travaillons à ce qu’elle n’échoue pas aux portes des échéances
électorales.
Peut-être n’y arriverons-nous pas. Peut-être le poison des égos des
divisions et des sectarismes finira par l’emporter. S’ouvrira alors une immense
tâche de reconstruction idéologique, culturelle et politique qu’il faudra être
prêt à affronter. Mais peut-être aussi parviendrons-nous à rendre le chemin de
l’unité incontournable. Ne préjugeons de rien, créons du commun autant que
possible, additions les énergies disponibles. Nous verrons.
Dimanche, je ne sais plus quel intervenant nous a adressé cette jolie phrase
que je me suis empressé de noter : « Les abeilles ne butinent pas les
fleurs fanées ». Nous avons la responsabilité de tout faire pour que 2017
ne soit pas une fleur fanée. Il n’est pas trop tard.
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